Le régime des retraites de la fonction publique affiche un déficit préoccupant, atteignant près de 10 milliards d’euros. Cette situation soulève des questions sur la pérennité et la viabilité du système actuel, alors que le nombre de fonctionnaires retraités continue d’augmenter.
Les causes de ce déficit sont nombreux : allongement de l’espérance de vie, départs massifs à la retraite des générations du baby-boom, et une base de cotisants qui peine à s’élargir. En parallèle, les réformes successives n’ont pas encore réussi à stabiliser les finances du régime, malgré des ajustements paramétriques et des tentatives de convergence avec le régime général.
Face à ces enjeux, le gouvernement est confronté à un dilemme : comment réformer sans pénaliser les agents publics tout en assurant l’équilibre financier ? Dans cet article, on vous explique les défis auxquels le système est confronté et les pistes envisagées pour redresser la situation.
Gilbet T (Haut fonctionnaire) : Le système ne tiendra pas bien longtemps..
interview
Un après-midi d’avril balayé par le vent, dans un bureau feutré du ministère de l’Économie, nous rencontrons Gilbert T., 64 ans, haut fonctionnaire à la retraite depuis peu, mais toujours très actif en tant qu’expert indépendant sur les questions de retraite. L’homme est mince, pince-sans-rire, avec une élégance discrète et des lunettes cerclées qui lui donnent l’air d’un professeur de philosophie. Il observe, analyse, décortique les chiffres comme un archéologue explore des ruines. Son sujet d’étude préféré ? Le système de retraite français, qu’il connaît comme sa poche depuis plus de 35 ans de service. Il parle avec la rigueur d’un comptable… mais aussi la passion d’un homme inquiet pour l’avenir. Voici son regard sur ce qu’il appelle lui-même : « le grand essoufflement ».
Gilbert, en tant qu’ancien haut fonctionnaire, comment voyez-vous la situation actuelle des régimes de retraite en France ?
Catastrophique. Et je ne pèse pas mes mots. Les déficits s’accumulent, notamment dans les régimes des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, et dans le privé, c’est pire. On parle de 6 % de déficit pour les salariés du privé en 2025, et les projections pour 2045 donnent des sueurs froides : plus de 30 %. C’est comme regarder un barrage qui se fissure lentement, avec des techniciens qui mesurent l’eau pendant que ça déborde. Ce n’est plus une question de réforme ou d’ajustement technique, c’est une remise à plat complète qu’il faudrait envisager.
Justement, certains disent que les régimes publics s’en sortent mieux, qu’en pensez-vous ?
Oui, c’est vrai… en apparence. Le régime des fonctionnaires civils et militaires est équilibré, mais à quel prix ? L’État verse des cotisations employeur énormes : 80 % pour les civils, 130 % pour les militaires. Ça fait rêver dans le privé, non ? En réalité, c’est une manière très polie de dire que c’est nous tous, contribuables, qui comblons les trous. Chaque année, l’État met 35 milliards d’euros sur la table pour surcotiser. Alors, est-ce que c’est « équilibré » ? Oui, mais artificiellement.
On parle beaucoup d’iniquité entre public et privé. C’est un débat légitime ?
Oh, totalement. J’ai connu une époque où ce genre de discussion était tabou, surtout dans l’administration. Mais aujourd’hui, c’est devenu une question de bon sens. Prenez un fonctionnaire hospitalier et un salarié du privé qui ont le même âge, les mêmes revenus bruts. Le premier cotise à un régime dont le déficit est partiellement compensé par l’État, le second non. En plus, les règles de départ sont différentes. Vous imaginez la tension que ça crée ? J’ai vu des collègues pleurer en découvrant la pension à laquelle ils avaient droit, pendant que d’autres, à cotisation égale, partaient avec un filet de sécurité bien plus large.
Il y a une anecdote qui vous a marqué à ce sujet ?
Ah oui… Une fois, j’ai eu à expliquer à un couple – madame était infirmière, monsieur ouvrier dans le bâtiment – pourquoi leurs pensions allaient être si différentes, alors qu’ils gagnaient la même chose. Le mari est resté sans voix, et sa femme, qui venait de partir à la retraite, m’a dit : « J’ai cotisé pour la République, mais c’est mon mari qui trinque pour elle. » C’était violent. On ne se rend pas compte de la fracture sociale que ce système entretient.
Et que pensez-vous du RAFP, cette retraite complémentaire des fonctionnaires ? Est-ce une solution ?
Une rustine, pas une solution. La valeur d’achat et de service du point est faible. En 2025, le point se rachète à 1,4394 € et ne vaut que 0,05593 € en pension. Faites le calcul… Ce n’est pas ce qui va sauver un pouvoir d’achat. Et les coefficients de conversion baissent avec l’âge. Plus on est vieux, moins notre point vaut cher. C’est l’antithèse de la solidarité intergénérationnelle, non ? On pousse les gens à partir plus tard avec une surcote, certes, mais en leur disant : votre point vaut de moins en moins… C’est kafkaïen.
Vous êtes à la retraite vous-même. Comment vivez-vous cette transition ?
Avec un certain malaise. J’ai beau avoir anticipé, préparé, et bénéficié d’un bon niveau de pension, je suis frappé par le nombre de collègues qui galèrent. Certains ne partent pas parce qu’ils ont peur. D’autres multiplient les petits boulots après 65 ans pour boucler les fins de mois. Je connais une ancienne directrice d’hôpital qui donne des cours de yoga pour retraités… parce qu’elle n’a pas le choix. C’est d’une ironie terrible.
Alors, que faudrait-il faire pour éviter l’effondrement ?
Il faut du courage politique. Le vrai. Harmoniser les régimes, revoir les taux de cotisation, repousser l’âge de départ – mais avec intelligence, pas comme une punition. Et surtout : expliquer. On a perdu les gens. Ils ne comprennent plus. Et quand on ne comprend pas, on se méfie. Et quand on se méfie, on bloque tout. C’est un cercle vicieux. Il faut rétablir la confiance, avant même de réformer les chiffres.
Un dernier mot, Gilbert ?
Oui. On dit souvent que la retraite, c’est la récompense d’une vie de travail. Mais aujourd’hui, elle devient l’angoisse d’une fin de carrière. Il faut inverser ça. Pas pour moi. Pour ceux qui viennent après. Les jeunes. Parce que le vrai naufrage, ce serait qu’ils ne croient plus du tout à la retraite.
Les régimes de retraites en 2025 : des déficits préoccupants
En 2025, les régimes de retraites en France présentent des déficits préoccupants. La caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers affiche un déficit de 2,6%, tandis que le régime général de base des salariés du privé atteint un déficit de 6%. Les prévisions pour 2045 sont alarmantes, avec un déficit anticipé de 6% pour les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, et de plus de 30% pour les salariés du privé. En revanche, le régime de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l’État est équilibré grâce aux cotisations sociales des agents et des employeurs.
Les taux de cotisation employeur varient considérablement entre le secteur privé et le secteur public. Dans le privé, le taux est d’environ 16%, tandis que pour les fonctionnaires civils, il s’élève à près de 80%, et pour les militaires, à près de 130%.
La surcotisation est estimée à 42 milliards d’euros, dont 35 milliards sont pris en charge par l’État. La Cour des comptes souligne que les systèmes de retraite public et privé sont trop différents pour être comparés directement, notamment en raison des spécificités de chaque régime et de l’évolution démographique défavorable pour le secteur public.
La retraite complémentaire des fonctionnaires, connue sous le nom de RAFP, présente des valeurs spécifiques pour l’année 2025. La valeur d’achat du point est fixée à 1,4394 €, tandis que la valeur de service du point est de 0,05593 €. Le taux de la surcote varie en fonction de l’âge du demandeur, allant de 1 pour les 62 ans à 1,80 pour les 75 ans et plus. Le coefficient de conversion applicable suit également une tendance décroissante avec l’âge, passant de 27,11 à 17,07.
Un exemple de cotisation montre qu’avec un traitement indiciaire brut de 28 000 € et des primes de 7 200 €, la cotisation annuelle s’élève à 280 €.
Les taux de surcote en fonction de l’âge
Le taux de la surcote appliqué aux retraites varie selon l’âge du demandeur, ce qui influence directement le montant de la pension. Voici un tableau récapitulatif des taux de surcote :
Âge du demandeur |
Taux de la surcote |
|---|---|
👨 62 ans |
1 |
👨 63 ans |
1,04 |
👨 64 ans |
1,08 |
👨 65 ans |
1,12 |
👨 66 ans |
1,17 |
👨 67 ans |
1,22 |
👨 68 ans |
1,28 |
👨 69 ans |
1,33 |
👨 70 ans |
1,40 |
👨 71 ans |
1,47 |
👨 72 ans |
1,54 |
👨 73 ans |
1,62 |
👨 74 ans |
1,71 |
👨 75 ans ou plus |
1,80 |
En plus de ces taux, il faut préciser que le coefficient de conversion diminue avec l’âge, influençant ainsi la valeur de la pension. Les retraités peuvent également bénéficier d’autres avantages, tels que :
- Des réductions fiscales spécifiques.
- Des aides au logement pour les retraités à faibles revenus.
- Des programmes de soutien pour la santé et le bien-être.
Ces éléments permettent de mieux comprendre les mécanismes en place pour ajuster les pensions et soutenir les retraités en fonction de leur âge et de leur situation personnelle.
Les enjeux de l’équité entre les régimes de retraite
L’un des principaux défis des régimes de retraite en France réside dans l’équité entre le secteur public et le secteur privé. Les différences marquées dans les taux de cotisation et les conditions de départ à la retraite suscitent des débats sur la justice sociale. Le secteur public bénéficie de taux de cotisation employeur significativement plus élevés, ce qui permet de maintenir un équilibre financier, contrairement au secteur privé qui fait face à des déficits croissants. Cette disparité soulève des questions sur la viabilité à long terme des régimes de retraite et la nécessité de réformes pour harmoniser les conditions.
Un autre aspect fondamental concerne l’évolution démographique qui exerce une pression sur les régimes de retraite. Le vieillissement de la population, combiné à une espérance de vie en augmentation, accentue le poids des pensions sur les finances publiques. Le secteur public est particulièrement touché par cette dynamique, avec un nombre croissant de retraités par rapport aux actifs cotisants. Cette situation rend indispensable l’adaptation des régimes de retraite pour garantir leur pérennité. Les pistes envisagées regroupent l’augmentation de l’âge de départ à la retraite ou la modification des paramètres de calcul des pensions.
La question de la retraite complémentaire, notamment à travers le RAFP pour les fonctionnaires, joue un rôle capital dans le maintien du pouvoir d’achat des retraités. Les valeurs de service et d’achat des points, ainsi que les coefficients de conversion, déterminent directement le montant des pensions complémentaires. Une gestion rigoureuse de ces paramètres est essentielle pour assurer un revenu décent aux retraités. Les ajustements réguliers de ces valeurs, en fonction de l’inflation et des conditions économiques, sont nécessaires pour préserver l’équilibre entre les contributions des actifs et les droits des retraités.
le déficit des retraites publiques est il inquiétant ?
En 2023, le déficit des retraites publiques en France était estimé à environ 56,5 milliards d’euros, soulignant un enjeu majeur pour l’économie nationale. Parmi les différents régimes, la CNRACL, qui concerne la fonction publique territoriale et hospitalière, pourrait voir son déficit grimper à 10 milliards d’euros d’ici 2030. Cette situation met en lumière la nécessité de réformes pour assurer la pérennité du système de retraite.
Certains experts pointent du doigt un « déficit caché » dans les retraites publiques, attribué à des artifices comptables et au recours à l’endettement public pour combler les manques. Cette approche soulève des questions sur la transparence et la viabilité des finances publiques à long terme. Il n’existe pas de consensus sur une méthode unique pour mesurer précisément ce déficit, ce qui complique les débats et les décisions politiques.
Retraites : le régime général en danger ?
Antoine à Limoges : « le ratio Actifs / Retraités en 2020 était estimé à 1,5 actifs pour 1 retraité »
Je me souviens encore de mes débuts dans le monde du travail. J’ai commencé à travailler à 20 ans, avec l’espoir de pouvoir un jour profiter pleinement de ma retraite. En regardant les chiffres récents, je réalise que le chemin est compliqué. Par exemple, le ratio Actifs / Retraités en 2020 était estimé à 1,5 actifs pour 1 retraité, une diminution significative par rapport à 1960 où il était de 4 pour 1. Cette évolution me fait craindre pour la pérennité du système, surtout avec les prévisions pour 2050 qui annoncent un ratio de 1,2 actifs pour 1 retraité.
À Limoges, j’ai constaté que le taux d’emploi des 55-64 ans est un sujet préoccupant. En 2008, il n’était que de 38,3%, ce qui signifie que beaucoup de personnes de mon âge peinent à trouver un emploi stable à l’approche de la retraite. Le pourcentage de maladies liées au travail entre 60 et 65 ans atteint 60%, ce qui rend le maintien en activité encore plus difficile. Ces chiffres m’inquiètent, car ils montrent que même si l’on souhaite travailler plus longtemps, la santé et les opportunités peuvent ne pas être au rendez-vous.
Je ne peux pas ignorer l’impact financier de la retraite. Avec un montant moyen mensuel de la retraite pour un homme à 1625 € en 2004, il est difficile de vivre confortablement, surtout lorsque l’on sait que le prix moyen mensuel d’une place en maison de retraite en province est de 1591 €. Ces données me poussent à réfléchir sérieusement à mes finances et à envisager des solutions pour compléter mes revenus à la retraite.
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