La récente décision du gouvernement de réduire l’indemnisation des arrêts maladie dans la fonction publique continue de susciter des tensions. Si les syndicats ont rapidement exprimé leur opposition, les employeurs territoriaux entrent désormais dans un véritable bras de fer avec l’État. Plusieurs collectivités envisagent de ne pas appliquer cette réforme, invoquant leur liberté de gestion.
Une réforme controversée
La loi de finances pour 2025 prévoit une baisse du taux de remplacement des indemnités de maladie ordinaire de 100 % à 90 % pour les fonctionnaires. Cette réforme concerne également les agents contractuels, malgré l’opposition des employeurs territoriaux et des syndicats.
Malgré un avis défavorable du Conseil commun de la fonction publique (CCFP), ces nouvelles règles devraient entrer en vigueur dès mars, le gouvernement n’étant pas tenu de suivre cet avis consultatif.
Les employeurs territoriaux en résistance
Face à cette mesure, de nombreuses collectivités entendent garantir à leurs agents le maintien de 100 % de leur rémunération durant leurs arrêts maladie. Philippe Laurent, porte-parole de la Coordination des employeurs territoriaux (CET), met en avant plusieurs arguments :
- Une perte de salaire particulièrement pénalisante pour les agents de catégorie C, majoritaires dans la fonction publique territoriale.
- Une absence de compensation par la prévoyance, contrairement au secteur privé.
- Une charge administrative supplémentaire pour les collectivités.
Pour contourner la réforme, certaines collectivités envisagent de délibérer afin de continuer à indemniser leurs agents selon les règles actuelles.
Un risque de contentieux
En invoquant le principe de libre administration, les employeurs territoriaux espèrent justifier leur choix. Toutefois, ces décisions pourraient être attaquées en justice par les préfets, qui veillent à la légalité des actes des collectivités.
Dans les prochains jours, les employeurs territoriaux comptent interpeller une nouvelle fois le gouvernement afin d’obtenir gain de cause. De son côté, le ministère de la Fonction publique reste pour l’instant silencieux sur ces velléités de contournement de la réforme.
Acteurs |
Position |
---|---|
Gouvernement |
Réduction du taux d’indemnisation de 100 % à 90 % |
Syndicats |
Opposition ferme à la réforme |
Employeurs territoriaux |
Volonté de maintenir l’indemnisation à 100 % |
L’avis d’une spécialiste des ressources humaines
Nous avons rendez-vous avec Béatrice, responsable des ressources humaines d’une grande administration publique, dans son bureau sobrement aménagé. Derrière elle, une grande fenêtre laisse entrer une lumière blanche qui contraste avec l’atmosphère lourde du moment. Le sujet du jour ? Le bras de fer entre les employeurs territoriaux et le gouvernement sur la question de l’indemnisation des arrêts maladie des fonctionnaires.
Béatrice, pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste exactement cette réforme et pourquoi elle suscite tant de remous ?
La réforme prévoit une baisse de l’indemnisation des congés maladie des fonctionnaires territoriaux, passant de 100 % à 90 % de leur salaire pendant les trois premiers mois d’arrêt. L’objectif du gouvernement est de faire des économies sur la masse salariale publique. Mais pour nous, employeurs territoriaux, cela pose plusieurs problèmes. D’une part, cela affectera directement les agents, notamment ceux de catégorie C, qui perçoivent les plus bas salaires et seront les plus fragilisés. D’autre part, cela va complexifier la gestion administrative des collectivités, avec un surcroît de travail et d’inévitable tensions avec les agents.
Certains employeurs territoriaux refusent d’appliquer cette réforme et envisagent de maintenir l’indemnisation à 100 %. Qu’en pensez-vous ?
Je comprends tout à fait cette position. De nombreuses collectivités estiment qu’elles doivent garder une marge de manœuvre et pouvoir décider elles-mêmes de la rémunération de leurs agents en arrêt maladie. Le principe de libre administration des collectivités est en jeu. Si nous avons les moyens budgétaires d’assurer ces indemnisations, pourquoi nous l’interdirait-on ?
Vous attendez-vous à une bataille juridique sur ce sujet ?
C’est très probable. Si certaines collectivités prennent la décision de ne pas appliquer la réforme, les préfets risquent de déférer ces décisions en justice. Nous allons nous retrouver dans une situation inédite où il faudra attendre des décisions juridiques pour trancher. C’est un bras de fer qui pourrait durer plusieurs mois, voire plus.
Quelles pourraient être les conséquences concrètes pour les agents territoriaux si cette réforme est appliquée ?
Elles seront multiples. Pour certains agents, notamment ceux en situation de précarité financière, une baisse de 10 % de leur revenu pendant un arrêt maladie peut être catastrophique. Cela pourrait les pousser à venir travailler alors qu’ils ne sont pas en état, avec tous les risques que cela comporte en termes de santé et de productivité. En outre, cela pourrait affecter l’attractivité de la fonction publique territoriale, qui a déjà des difficultés à recruter dans certains secteurs.
Avez-vous des exemples concrets de cas où cette réforme pourrait poser problème ?
Bien sûr. Prenez le cas d’une agente administrative qui travaille dans une petite mairie, gagne 1 700 euros net par mois et qui doit s’arrêter deux mois pour une intervention chirurgicale. Avant, elle touchait l’intégralité de son salaire. Désormais, elle perdra 10 %, soit environ 170 euros par mois. Pour certains, ce n’est pas une somme négligeable. Cela peut faire la différence entre pouvoir payer ses charges et se retrouver en difficulté financière.
Quelle est l’ambiance parmi les agents et les employeurs territoriaux face à cette situation ?
Il y a une vraie inquiétude, mais aussi de la colère. Beaucoup de fonctionnaires ont l’impression d’être toujours les premiers ciblés lorsqu’il s’agit de faire des économies. Du côté des employeurs territoriaux, il y a une volonté de protéger les agents, mais aussi une frustration face à des décisions imposées sans véritable concertation.
Que souhaitez-vous dire au gouvernement ?
Nous demandons qu’une véritable discussion s’engage. Si l’objectif est de faire des économies, d’autres solutions peuvent être envisagées sans pénaliser les agents. Nous avons besoin d’une fonction publique territoriale forte, motivée et protégée. Cette réforme, telle qu’elle est proposée, risque d’avoir des conséquences lourdes, non seulement pour les agents, mais aussi pour le service public dans son ensemble.
L’entretien s’achève sur cette note de détermination. Une chose est sûre, le combat autour de cette réforme ne fait que commencer.